Le silence n’est pas acceptable

Tout d’abord, je vais préciser que je ne suis pas experte, je te fais part de ma seule expérience personnelle. Dénoncer ne veut pas dire se victimiser, ça veut dire : prendre la parole pour dire STOP! Pour arrêter un comportement, une attitude qu’on ne veut plus.
Si tu n’es pas au courant de ce qui se passe en ce moment, il est temps de rallumer la tv, internet etc…(mais les bons médias) .
Je suis une femme noire habitant en France et j’ai peur
J’ai peur de l’humain, j’ai peur de la connerie, j’ai peur d’avoir des enfants à qui je devrais expliquer des choses qui ne devraient plus exister.
Je suis une femme noire habitant en France
Ma couleur de peau on me la rappelle, on me la montre. Pas tout le monde heureusement, mais il n’empêche. C’est rarement dans un sens positif et ça même si on voudrait me faire croire que « la discrimination positive » c’est cool.
Je suis une femme noire habitant en France
Je t’ai déjà un peu expliqué mon parcours géographique, j’ai vécu longtemps dans une campagne où on était pas beaucoup de personnes non blanches, j’ai terminé un jour après l’école maternelle sous ma douche à vouloir me raper la peau pour être blanche parce qu’on me faisait bien comprendre que ma peau était moche. Mes parents ont fait un boulot extraordinaire mais God ça n’aurait jamais du arriver. Mes parents m’ont toujours soutenue dans tous mes projets, toutes mes envies, rien n’était impossible « mais il fallait que je sois brillante parce qu’on m’attendrait au tournant parce que j’étais noire et qu’on me pardonnera moins mes erreurs » ça non plus ça n’aurait jamais du arriver. Pourquoi devoir en faire plus pour faire oublier ma couleur, pourquoi devoir tjr exceller? Je ne peux pas être juste moi sans me saigner? (Je paye encore ces croyances dans ma vie perso et pro…)
Ma 1ère expérience de racisme, je l’ai vécu en 2013-2014 quand j’ai fait un stage en campagne profonde dans des cabinets de médecine générale. On me demandait systématiquement d’où je venais, d’où je venais VRAIMENT, où étaient nés mes parents en fait, Un article d’il y a fort longtemps, pourquoi je n’avais pas d’accent, pourquoi je parlais si bien français, si le système scolaire était le même, certain.e.s patient.e.s me sortaient leurs cartes d’électeur.rice.s FN en me sortant leurs cartes vitales, certain.e.s ne sont plus venu.e.s quand j’étais là, certain.e.s ne voulaient pas que je participe à la consultation, certain.e.s ne voulaient pas que je les touche. Un de mes praticiens a du remettre plusieurs de ses patient.e.s à leurs places alors que l’autre rigolait de toutes ces « blagues ». C’était épuisant, c’était fatigant, c’était dégoutant…Les 6 mois les plus longs de ma vie…Mais j’ai mis ça sur le compte de la campagne profonde et de l’ignorance. Après tout, forcément si la seule fois où tu vois des personnes noires c’est dans enquête exclusive sur « la délinquance aux Caraîbes » ou « l’embrasement des banlieues » ben ouais c’est biaisé. Mais bon…en 2013, Internet existait, Obama existait et il y a une différence entre des questions pour combler son ignorance et des questions pour stigmatiser…
Cette différence c’est l’intention…
En 2015, j’ai rencontré une médecin généraliste en Ile-de-France qui cherchait une remplaçante. Pendant 30 minutes elle a bien insisté en me disant « de ne pas accepter de faire le tiers payant aux antillais et aux africains parce que souvent leurs CMU n’étaient pas à jour et d’éviter toute familiarité avec eux parce qu’après c’est la bamboula », j’ai fermé ma bouche, je suis rentrée chez moi, j’ai envoyé un mail lui expliquant pourquoi je ne la remplacerai JAMAIS. Elle n’a jamais répondu.
En 2016, j’ai comme souvent apporté des vêtements au Secours catholique, la dame de l’accueil m’a accueillie ultra sèchement en me disant que la distribution alimentaire n’était pas aujourd’hui mais le lendemain donc de partir, avant même que je puisse ouvrir la bouche…Je suis partie, j’ai envoyé un mail à l’antenne régionale et depuis je donne mes vêtements au Secours Populaire ou Emmaüs.
Et puis en 2017, j’ai passé un concours de la fonction territoriale pour mon boulot. Il y a des séances de préparation à l’oral. J’ai déchiré mon oral, tout était calé. Les autres candidat.e.s souriaient. J’attendais le commentaire de la préparatrice afin de pouvoir améliorer mon texte. Et là…elle m’a sorti cette phrase
« Par contre, vous allez vous coiffer comment pour l’oral?«
J’étais sur le cul…On ne parlait pas de mes compétences, de mon oral, on parlait de mes cheveux afro.
Elle m’a alors suggéré de les lisser…
Je ne les ai pas lissés, j’ai majoré mon oral avec 19 et qq, j’ai blagué en disant qu’avec les cheveux lisses j’aurais peut-être eu 20…mais c’était pas très drôle en fait.
En 2018, avec ma soeur, on a été à Los Angeles. J’ai été prendre des cours de danse et le cours qui devait durer 1h30 a duré beaucoup plus longtemps. J’étais dans une sorte de bulle d’ocytocine extraordinaire et en prenant mon téléphone, j’ai vu les dizaines d’appels de ma mère, de ma soeur et puis un message vocal en pleurs me suppliant de décrocher en espérant que je ne me sois pas faite arrêter par la police. J’ai souri en me disant « Quand même elle exagère » mais non elle n’exagérait pas, ça aurait pu arriver et avoir ce genre de peurs en 2018 tout comme en 2020 EST INACCEPTABLE.
En 2018 toujours, j’ai voulu travailler plus. J’ai donc cherché des centres qui pouvaient me convenir. J’en ai trouvé plusieurs dont un privé qui m’a dit « Votre profil nous a retenu parce qu’on a beaucoup de femmes africaines et donc ce serait mieux«
Mes compétences, on s’en foutait. On s’en foutait que je pose mes DIU sans pozzi, que je fasse des IVG, que je retire des implants, ce qui importait était que je sois noire.
Je me suis sentie mal, j’ai refusé le poste.
Et puis en 2020, il y a eu le confinement…pour travailler il fallait une bonne raison et un justificatif…une attestation ou un caducée.
J’ai mon caducée de médecin dans ma voiture, je ne le mets quasiment jamais parce que je n’ai pas besoin de l’utiliser.
J’ai pris ma voiture 3 fois pendant toute la période.
La 1e fois, un policier m’a demandé de m’arrêter, il est passé devant mon caducée. Il m’a demandé mon attestation, je lui ai dit que j’avais mon caducée. Il m’a dit ne pas l’avoir vu. Il l’a regardé, il m’a regardée, il a dit « Vous, médecin? infirmière à la limite«
J’ai fermé ma bouche, je suis partie.
La 2e fois, un police m’a arrêtée, il a vu le caducée. Il m’a dit « On va quand même procéder à un contrôle d’identité« , j’ai demandé pourquoi. Il a répondu « Parce que quand même des caducées, ça peut se voler« . J’avais envie de bondir. J’ai répondu « Vous insinuez que j’ai volé le caducée, c’est un peu raciste non? » il m’a répondu « Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit« , il a fait venir sa collègue policière noire, comme pour avoir une caution noire à son « non racisme » qui m’a dit « Vous savez on voit de tout«
J’ai fermé ma bouche, je suis partie.
La 3e fois, une policière m’a arrêtée, elle n’avait pas vu mon caducée, je lui ai tendu ma pochette où dedans il y avait le caducée, ma carte pro RPPS et ma pièce d’identité. Elle m’a dit « eh ben vous êtes prévoyante » j’ai répondu « qu’avec les autres policiers visiblement je n’avais pas la tête de l’emploi » Elle s’est excusée pour elleux.
J’ai pris le vélo par la suite pour ne pas être emmerdée.
Mais en fait j’en ai marre de fermer ma gueule, de laisser passer tout ça encore et encore pour ne pas entendre « ouais mais si tu donnes du crédit aux seuls connards que tu croises« , »concentre toi sur le positif » « iels ne sont pas tou.te.s comme ça » « c’est pas si grave que ça«
Si, c’est grave! C’est grave qu’en 2020, je ne me sente pas en sécurité quand on me demande de m’arrêter et que je me demande ce qu’on va encore me trouver comme problème alors que je suis dans mon droit.
C’est grave qu’en 2020, des policiers blancs se permettent de tuer des personnes noires peu importe le pays dans lequel c’est.
C’est grave qu’en 2020, des personnes noires doivent encore expliquer le racisme systémique qu’on subit, qu’on doivent encore vous éduquer alors que Google existe, que des livres existent, qu’il y a toute une tonne de reportages très bien faits y compris sur Netflix sur la lutte des droits civiques et sur les inégalités « raciales« .
C’est grave qu’en 2020, alors que j’ai vécu dans une caserne de gendarmerie, j’adapte mes comportements pour ne pas être EMMERDÉE PAR LA POLICE.
C’est grave qu’en 2020, on doive expliquer que #alllivesmater c’est NOUS invisibiliser.
C’est grave qu’en 2020, on doive encore justifier pourquoi on dit #blacklivesmatter et qu’on doive expliquer que vos vies aussi comptent et que ça ne veut pas dire qu’il ne vous est rien arrivé de grave, de dur d’un point de vue individuel ou même collectif, que oui des personnes blanches vivent d’autres discriminations (parfois systémique genre le sexisme ou le validisme) mais que dans l’échelle sociale, en dessous de la femme noire, il n’y a pas grand monde en fait.
C’est grave qu’en 2020, on me dise « ah non mais moi je ne vois pas les couleurs » ben si gars, on n’a pas la même couleur et tu devrais le voir par contre tu pourrais « voir les couleurs mais ne pas en faire des différences«
C’est grave qu’en 2020, on me dise « ouais mais moi j’ai des ami.e.s noir.e.s qui n’ont pas eu d’expériences du racisme » comme pour me dédouaner, ou décrédibiliser. Alors déjà si ça existe TANT MIEUX POUR ELLEUX, ensuite ça peut être pour diverses raisons, soit parce que c’est tellement ancré et systémique que ben en fait on ne s’en rende pas compte (ce qui est peut-être arrivé pour moi avant 2013) soit parce que « heureusement » iel a eu de la « chance » et ce n’est pas parce que ça n’est pas arrivé à TOUTES LES PERSONNES NOIRES, que ça change le problème, qu’il n’y a pas un problème de racisme systémique en France et ailleurs, qu’on ne peut pas améliorer la situation et justement généraliser tout ça. Justement si c’est une chance c’est qu’il y a un problème…si on arrive à noter les personnes à qui ce n’est pas arrivé (un peu comme le nombre d’hommes noirs qui réussissent qui sont en couple avec des femmes noires mais c’est un autre débat, on ne va pas parler du BlackLove aujourd’hui ou même jamais, c’est pas qqch que je valorise mais bon qd j’entends des hommes noirs me sortir qu’éclaircir la peau de leurs descendances est un critère de réussite sociale ça me choque, d’ailleurs on ne sort pas avec des gens POUR leurs couleurs de peau, valable aussi dans l’autre sens, on ne fétichise personne MERCI!) c’est que c’est une minorité.
Je suis une femme noire habitant en France et l’humain me fatigue.
L’humain me désespère, l’humain me dégoute mais je ne vais pas lui donner de la haine, je vais lui donner de l’amour parce qu’il a forcément du manquer d’amour pour avoir le coeur si sombre.
Je suis une femme noire habitant en France qui est privilégiée
Parce que je suis hétérosexuelle, j’ai un statut professionnel confortable, je suis valide, je suis jeune, je correspond à certains critères de beauté mais malgré tout ça…je ne me sens pas en sécurité.
Il ne suffit plus en fait de taire les problèmes en espérant qu’ils disparaissent et de valoriser les bonnes actions, il s’agit de crier ce qu’on ne veut plus pour que ce soit #plusjamaisça.
Si tu es une personne blanche, sois un.e allié.e, renseigne toi de toi-même, questionne toi et participe à des actions concrètes, que ce soit prendre la parole, défier l’oncle relou, partager des infos, discute, à ton niveau. Tu es privilégié.e même si tu ne t’en rendais pas compte et même si tu vis des choses difficiles…toi tu ne te demandes pas si on t’a refusé un appart, un job à cause de ta couleur, toi on ne te touche pas tes cheveux sans te demander ton avis avec un « oh c’est bizarre », toi on ne s’étonne pas quand tu réponds que tu es français et ça même si tu as des origines étrangères, toi on ne te définit pas par ta couleur « Le blanc là » et même mieux, ta couleur n’est pas anglicisée…ça ne veut pas dire que tu n’as pas vécu des choses difficiles ni même que des « minorités » ne t’ont pas fait sentir que tu étais blanc.he.
On ne peut plus être neutre, on ne peut plus être silencieux.se, on ne peut plus se cacher parce qu’on veut un monde différent, on veut un monde égal, un monde où si je suis en retard on ne pensera pas que je gis sur la voie publique à cause de la police, où quand on m’embauche c’est pour mes qualités professionnelles, où on ne remet pas en question mon travail, mon statut, où j’ai pas besoin d’en faire 2 fois plus (voire 3-4 parce que je suis une femme aussi…) pour un poste égal, où je peux avoir des enfants sans me dire que si ce sont des garçons ils se feront contrôlés plus souvent, si ce sont des filles elles auront une double peine…
Je suis une femme noire habitant en France et je veux un monde différent et il est temps que ça change!
Peace
PS: Tu peux ne pas aimer cet article c’est pas grave
PS2 : J’ai pas de problème à dire personne blanche ou personne noire…moi je vois les couleurs juste j’essaie de ne pas de différences entre elles, même si je tombe souvent dans le piège de vouloir me sentir comprise par les personnes me ressemblant physiquement ou ne ressemblant pas à la « norme » ce qui est une erreur. Je ressemble à des gens qui sont comme moi dans mon intérieur et ça peu importe l’extérieur donc peu importe le genre, la couleur, les origines etc…
PS3: Si tu dis Black, peut-être que tu as un problème avec les couleurs…Noir.e n’est pas une insulte, c’est ce que tu y mets derrière qui peut l’être…c’est si tu définis la personne par sa couleur et les stigmates associés qui l’est.
PS4: Je ne suis porte-parole de personne à part moi-même et quand je dis ON, c’est toi, moi, nous, tout le monde.
PS5 : L’argument, « je ne suis pas raciste, j’ai des ami.e.s noir.e.s » (valable avec toutes les « minorités sociétales ») EST RACISTE. valable aussi avec « mon mari, mon épouse, ma.on collègue » et valable aussi si tu es une personne non blanche. On peut être raciste entre « non blanc.he.s »
PS6: D’ailleurs, si tu es fatiguée.e de voir des posts partout relatif à ça, dis toi que des gens sont fatigué.e.s de vivre ce racisme en fait, fatigué.e.s de devoir encore visibiliser tout ça, de se battre pour juste avoir le droit d’exister, de vivre, de respirer…
PS7: Valoriser les actions positives montrent qu’encore une fois elles sont minoritaires et pas encore NORMALES
PS8: Mon père m’a suggéré d’écrire à je ne sais plus quel ministère pour raconter mes mésaventures policières du confinement, j’ai eu la flemme, parce que je bossais, j’étais déjà stressée etc…mais à un moment j’ai envie d’être cohérente avec moi-même donc je le ferais.
PS9: Prendre le vélo pour ne plus être emmerdée c’est un peu comme modifier sa tenue vestimentaire pour ne pas être harcelée dans la rue, c’est une fausse bonne idée…
PS10: Je me concentre tout de même sur les choses chouettes qui m’arrivent, ces expériences font partie de ma vie, je ne leur accorde guère d’importance et je connais ma réelle valeur mais aujourd’hui j’en ai assez de me taire et j’espère que ce monde changera.
PS11 : Le racisme anti-blanc n’existe pas