
En ce moment, je vois plein de trucs sur FB etc sur le Burn Out de Stromae, sur les médecins qui se suicident, sur le système qui va mal…
Et puis récemment, j’ai eu une nouvelle collègue, qui ne me connaissait donc pas. On parlait de l’hôpital du coin et elle m’a sorti « Va pas nous faire un burn out hein? » Ce à quoi j’ai répondu : « Ça ne risque pas«
Je ne suis pas médium en vrai. Bon des fois je fais flipper parce que je suis assez sensible aux vibrations et tout, je sens des trucs, j’ai des antennes mais je ne suis quand même pas médium!
Le Burn Out, je ne sais pas trop si j’ai connu mais l’anxiété, la déprime et le mal-être au travail ça j’ai connu!
C’est arrivé tranquillement fin 2014, un stage en cabinet libéral qui se passait bien en apparence, une fin d’internat, un chéri qui m’aimait, un futur déménagement, une thèse qui se préparait et puis un jour ben plus envie de rien…je ne me sentais plus à ma place, plus dans ma vie, j’avais envie de rien, j’allais mal et je ne savais pas trop pourquoi.
Mes proches m’ont alertée, j’étais fatiguée tout le temps, que je dorme 15h ou 4h, je ne faisais rien, travail et puis dodo. J’avais envie de rien. Même me promener, aller au parc, sortir ben non. J’ai donc essayé d’aller mieux…Que nenni, j’y arrivais pas. Alors j’ai parlé à ma besta qui m’a sorti « Tu ne peux pas être mélancolique comme ça là pour rien, va voir qqn« . J’ai tapé sur les pages jaunes : Psychologue autour de moi et j’ai commencé une thérapie.
Toutes les semaines, j’ai claqué des sous pour parler à une meuf en face de moi et assez rapidement (après avoir cherché une origine de mon mal-être dans mon enfance lol) j’ai parlé de la thèse, de ma désillusion de la médecine, de mon futur cabinet, de ma peur du libéral, de comment j’allais faire…
J’ai appris à prendre les choses une par une, à avoir mon lieu sûr, à communiquer, à respirer. Mais bon c’était pas parfait. J’ai déménagé, j’ai cru que ça irait mieux et en fait non.
C’était même pire! Je suis arrivée en IDF, j’ai accepté de faire des remplacements, j’avais mal au ventre, j’étais pas à l’aise, j’avais peur de faire des conneries, j’ai fait de la médecine, de la mauvaise médecine, je pleurais le soir, je rentrais tard, je remplaçais des gars qui prenaient les patients pour des sous, des consultations toutes les 10 minutes (à peine le temps de se déshabiller), j’avais des journées de dingue avec 30-35 patients par jour, je me sentais comme un prestataire de service, faire des ordonnances pour faire des ordonnances, pas le temps de parler avec les gens, fallait enchaîner, j’arrivais le matin les gens attendaient devant la porte, le téléphone sonnait tout le temps, la paperasse à lire, à archiver, la compta à faire le soir, l’Urssaf qui s’était trompé sur ce que je devais et qui ne réglait toujours pas le problème, j’avais une boule au ventre, je perdais mes cheveux et mon appétit, je rêvais de patients, je cauchemardais sur des erreurs médicales, je me rongeais les ongles. Une fois rentrée, je n’avais le temps de rien, envie de rien, je n’avais qu’une envie m’écrouler et espérer que demain n’arrive pas trop vite! J’avais envie d’arrêter mais en libéral, les arrêts ben t’as pas de sous et moi j’avais un loyer à payer… Et puis…ma jumelle de vie me parlait de ses recherches de taf! Et ça a été le déclic! Pourquoi pas moi? Il y avait forcément un mode d’exercice qui me conviendrait! De toute façon, il était évident que je ne pouvais pas continuer comme ça! J’ai scruté tous les sites de recrutement possible et j’ai trouvé une vieille annonce qui datait de 3 ans auparavant pour de la pédiatrie là où je bosse now. J’ai send un mail désespéré en pleurant et en disant « j’aime tout ce que vous faites mais par contre moi je veux faire de la gynéco, s’il vous plait prenez moi » (je ne blague presque pas).
2 jours après ma cheffe m’appelait, 1 semaine après j’allais voir concrètement comment ça se passait, 1 mois après je passais ma thèse et le mois suivant je commençais mon travail et c’était un 25 avril 2016. Un 35h en salariat où je pouvais faire mon taf comme je le voulais! Et c’était il y a 2 ans pile poil today!
Depuis, ben ça va! Il y a des journées un peu compliquées mais honnêtement il n’y en a pas beaucoup! Mais me lever pour aller travailler en fait ça ne m’arrive pas souvent parce que le matin je me réveille pour passer un bon moment!
Il n’y a pas un jour où je travaille et c’est pour ça que je ne pense pas connaître de nouveau ce mal être au « travail ». Le matin, je n’ai plus ma boule au ventre, le matin je n’ai pas d’appréhension, j’arrive à la bourre avec mes baskets et tout se passe bien!
Je fais des trucs pas évidents, la semaine dernière par exemple j’ai du en 1 matinée faire un certification de mutilations sexuelles pour la préfecture, j’ai du organiser des consultations pour un dépistage ante natal pour un bébé avec un gros cerveau à 4 mois de grossesse, j’ai du annoncer 2 fausses couches et on a fait une étoile pour une dame en pleure, qui venait d’accoucher il y a 3 mois, qui voulait un implant mais comme la pharmacie n’en avait pas ben je n’ai pas pu lui poser il y a 1 mois et les préservatifs ben ça marche pas tout le temps visiblement…Mais je fais aussi des trucs cool, en ce moment j’ai plein de nouveaux bébés : Saël, Nadj, Iliane, Issa et les autres, on fait des animations super intéressantes et on rigole beaucoup mais alors vraiment beaucoup.
Dans mon taf, j’apprends tous les jours, je donne et je reçois BEAUCOUP! On me dit Merci, j’explique que non mais on me le dit quand même. Mes délais de consultation sont longs et ça fait rire les dames « c’est parce qu’on vous aime beaucoup ».
Quand je vais au marché près du taf, on me donne toujours des clémentines parce que « je fais des bébés« .
Le jeudi matin, je suis toujours en retard (sauf quand je prends mon vélo) et je croise toujours Mme D qui a bien compris que j’étais toujours en retard. Du coup tous les jeudis matins, j’ai mon pain au chocolat qui m’attend à l’accueil.
Plusieurs fois le midi (parce que tout le monde sait maintenant que j’ai la flemme de cuisiner), mes petites dames m’ont apporté des plats de chez elles.
Et puis quasiment tous les jours j’ai des kinder bueno, des tablettes de chocolat, des bonbons sur mon bureau, parce que visiblement elles ont cru que j’avais un problème avec la bouffe!
J’ai la chance de pouvoir « travailler » comme je l’entends. J’ai pas vraiment de comptes à rendre, je commence à une heure vraiment très raisonnable, je finis à une heure vraiment très raisonnable, j’ai des congés, j’ai des super collègues, des dames extraordinaires et un salaire qui me convient!
Et aujourd’hui…ben ça fait 2 ans que j’y suis , 2 ans que je n’ai pas de boule au ventre, 2 ans que je « ne travaille plus », 2 ans que j’aime ce que je fais et 2 ans qu’on me le rend bien! 2 ans que je donne du Love, de l’écoute, de l’attention et du temps et j’espère que ça va encore durer longtemps.
Je sais après que je suis une privilégiée, que je fais un chouette métier où il y a beaucoup de choix, mais j’ai beaucoup de collègues doc qui s’enferment dans un mode d’exercice qui ne les rend pas heureuxses. Je sais aussi que pour toi qui fait surement autre chose, tu n’as peut-être pas autant le choix et que ce sera surement plus difficile mais si tu n’aimes pas ce que tu fais, sache qu’il existe quand même d’autres options. Alors oui ça demandera du temps, de l’investissement peut-être même de retourner à la fac mais je crois que le bonheur en vaut la peine…
J’ai lu cette semaine, qu’il ne fallait pas attendre d’être en week end, d’être en vacances pour être heureux et je suis assez d’accord avec ça. Perso semaine ou week end, jour de taf ou jour de congé, je ne fais aucune différence (voire même mes journées sont encore plus remplies quand je ne « travaille » pas).
So today j’ai mon anniversaire de taf et je ne travaille pas mais j’ai mangé un gâteau au chocolat qu’une patiente m’a donné hier!
Peace
PS: Je ne maigrirais jamais tant que je « vais travailler » c’est désormais officiel!
C’est un beau témoignage. J’en apprends un peu plus sur toi. J’hesite, tu es peut être sage femme ou gynécologue.. peut être que mes prochaines lectures me confirmeront l’un ou l’autre. Quoiqu’il en soit je trouve ton témoignage super intéressant. Pourquoi s’enfermer dans une profession libéral quand cela ne nous convient pas, accepter ses limites c’est tellement important, un bel acte de bienvaillance envers soi. Moi cette année, mon obj ultime était de changer de travail, je me suis rendue compte que j’aime mon métier, mais les conditions dans lesquelles j’excercais ne m’en satisfaisaient plus.. je sais maintenant ce qui est important pour moi, et qu’est ce que ça fait du bien.
Ah ah je sais pas si tu es arrivée à la lecture de ma biographie, mais je suis doc! Je pense aussi qu’il est important d’aimer ce qu’on fait et comment on le fait. Pour ma part, je ne travaille aucun jour parce que mon « travail » c’est aimer et aider et que je ne me force pas pour le faire 😊