Glob trott·Mes petits kiffs·Quoi de neuf docteur?

Je viens d’ici et d’ailleurs…

J’ai voyagé dans mes souvenirs de médecine rurale en allant au cinéma voir : Bienvenue à Marly-Gomont. Marly-Gomont je ne connaissais pas (hormis dans la chanson de Kamini, dont est inspiré le film) mais par contre Frangipane, Stéril and co oui oui. Je suis une fille de la campagne, je dois l’admettre. Ok je suis née à Paris, mais à part ces quelques jours dans la capitale, j’ai passé toute mon enfance dans un petit patelin paumé comme j’aime le dire dans le trou du *** de la France, DANS LE CENTRE. Tellement paumé, qu’un jour d’internat j’ai rencontré une interne et la conversation qui va suivre est juste d’une autre dimension :

  • non mais moi la campagne profonde je connais alors bon j’ai donné
  • euh plus profonde que la mienne, je pense pas
  • ah si si je t’assure
  • tu étais où ?
  • Frangipane
  • T’es sérieuse ?
  • Oui et toi ?
  • Frangipane la vieille

Frangipane : 600 km de là où nous étions et pour le coup aucune probabilité que ça n’arrive, mais c’est arrivé (le comble est qu’on a failli être au même collège, et que nous venions également toutes les deux de Bordeaux)

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Un petit village du Tarn, Avril 2014

Bref, il faut avouer que c’était franchement sympa. J’ai couru, sauté, roulé dans de la vraie verdure, je me suis perdue dans des champs de coquelicots, je partais avec mon père chercher des champignons, puis des jonquilles puis du muguet. On allait au lac, dans les forêts, à la fontaine. J’ai visité toutes sortes de châteaux et mon chien n’a jamais été plus heureux qu’à cette période. J’ai joué avec des lapins, j’ai vu des biches et des cerfs faire le brâme, j’ai attrapé des mulots. On n’était pas beaucoup de noirs là bas mais il y en avait quand même. Mais je suis quand même rentrée un jour de l’école en disant à ma mère que j’aurai préféré être blanche parce que c’était plus simple (et surtout pour qu’on arrête de me dire que j’étais sale comme du caca, mais ça je ne lui ai pas dit). J’ai passé donc 13 ans en petite ville et puis à mon « adolescence » j’ai déménagé. Puis Bordeaux puis mon internat et puis mon stage chez un médecin. Le stage était étiqueté « semi-rural » mais il ne fallait pas se voiler la face, j’étais en campagne ! Et en campagne profonde ! Quand dans une ville, il y a une rue centrale, une place de la république et que tu trouves l’église et la mairie juste en tournant la tête, il n’y a pas d’hésitation à y avoir. Pendant 6 mois, on m’a demandé :

  • si je savais parler français
  • où j’avais appris à parler si bien français
  • pourquoi je n’avais pas d’accent prononcé
  • si on vit dans des maisons là d’où je viens
  • si on a le téléphone là d’où je viens
  • quand est-ce que je rentrerai chez moi
  • s’il y a internet là d’où je viens
  • d’où je venais en fait
  • si j’étais née en France
  • si j’avais fait mes études en France
  • si j’avais passé mon bac en France
  • si le niveau scolaire « là bas » était pareil « qu’ici »
  • d’où je venais « VRAIMENT »
  • si le climat n’était pas trop difficile
  • si je mangeais du Porc
  • si je mangeais du saucisson
  • « ok vous êtes née à la Capitale et vous venez de Bordeaux, mais vos parents ils viennent d’où ? »
  • si je comptais repartir chez moi
  • si je comptais vivre « en France »
  • s’il faisait chaud « chez moi »
  • si ce n’était pas « trop dangereux chez moi »
  • s’il n’y avait pas la guerre chez moi, parce que des militaires sont partis au Mali
  • si je ne connaissais pas Jessica, mais si une fille qui vient des îles elle aussi
  • si je pouvais faire des accras ou un tiiii-punch
  • si je n’avais pas trop froid avec l’hiver vu que je n’étais pas habituée
  • si j’avais un diplôme français
  • si ce n’était pas trop dur de me coiffer
  • si je connaissais Mamadou, « l’africain du coin »

Au début, j’étais énervée, en colère et à la fin je souriais et je disais « je viens de Norvège ». Au fond de moi je n’avais envie de crier qu’une seule chose « MA CARTE D’IDENTITE EST COMME LA TIENNE » mais je ne l’ai pas fait. J’ai juste fini mon stage et je me suis promis de ne pas travailler en campagne, parce que je voulais faire mon métier sans avoir à discuter de ma vie privée.

Alors quand on me dit « oh il manque de médecin, vous n’allez pas vous installer en campagne? » J’ai un peu envie de dire que la campagne c’est toute ma vie et que du coup j’ai envie de changer pour le moment. Je suis née à Paris, j’ai toujours vécu en France dont une petite partie dans un DEPARTEMENT FRANÇAIS D’OUTRE MER, qui est le département d’origine de mes parents et mon DEPARTEMENT DE CŒUR.

Non je ne connais pas Jessica, ni Aurélie, ni Cédric, encore moins Mamadou, Fatoumata et Sissoko. Je ne sais pas faire les accras ni le ti punch (le 1er parce que je ne regarde pas ma mère cuisiner et le 2e parce que je n’en bois pas).

Non il n’y a pas la guerre chez moi ou du moins je ne suis pas au courant mais peut-être qu’en Corse ou au Pays Basque je ne sais pas.

Ce n’est pas trop dur de me coiffer vu que je ne connais que mes cheveux tels quels.

J’ai l’habitude du froid parce que notre appartement était très mal chauffé à Frangipane et que dégivrer la voiture et gratter le pare-brise c’était tous les jours de novembre à mars (voire mai…).

Le seul accent que j’ai c’est un mélange : sud-ouest/antillais/parisien donc AUCUN.

Je mange du porc, du saucisson et tout ce qui donne des boutons en général (mais PAS LES ŒUFS).

J’ai été dans une école privée catho du centre de la France, j’ai cotoyé des gens de la HAUTE.

Dans une même phrase, je peux dire tchip, boudu, moinss que je suis gavée, que je veux une chocolatine mais que je n’ai pas besoin de poche, qu’on est tellement en plein cagnard, qu’il y a pélut et donc pas de binouze ce soir !

Je ne compte pas repartir chez moi vu que j’y suis à priori, mais j’adore rentrer dans mon département de cœur prendre un peu de chaleur.

Il y a internet, le téléphone, des maisons dans ce beau département et il y a même la 4G et des iphones hors de prix !!!

Et non on ne se déplace pas avec des lianes et l’école ce n’est pas que le matin et après-midi plage.

Le niveau scolaire est pareil vu que j’ai fait 2 allers-retours(CE1-CE2 puis 3e au lycée), que j’ai sauté une classe, j’ai eu mon Bac avec mention et mes études se sont très bien passées.

J’ai appris à parler français chez moi, à l’école, partout, j’ai même su lire le français à 3 ans et demi.

Et pour finir d’où je viens « VRAIMENT » ? De l’utérus de ma mère !

« Pourquoi c’est plus dur quand on est noir ? »

Parce qu’il y a encore beaucoup d’ignorants sur Terre…

2 réflexions au sujet de « Je viens d’ici et d’ailleurs… »

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